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Xavier Roussillon
14 janv. 2024
8 min
Attirer et retenir les meilleurs talents est un défi de tous les jours pour les entreprises. Pour grandir, il faut réussir à bien s’entourer ! L’actionnariat salarié, en permettant aux employés de devenir actionnaires, agit comme un véritable “aimant à talents”.
Mais concrètement, comment on fait pour en parler aux concernés, et mesurer que cela marche ?
Dans cet article, découvrez les avantages de ce mécanisme et comment en faire un outil à la main des équipes RH.
L’importance croissante de l’actionnariat salarié en entreprise
L’actionnariat salarié est un ensemble de dispositifs (BSPCE, BSA, PRISM, AGA, .. ) permettant aux employés d’acquérir des parts de l’entreprise dans laquelle ils travaillent. Le plus souvent, ces parts sont des actions.
En devenant actionnaires, les salariés ne sont plus de simples collaborateurs, mais des partenaires impliqués dans la réussite du projet de l’entreprise.
Par abus de langage, il est courant d’entendre parler d’actionnariat salarié (ou d’ESOP) même pour évoquer des dispositifs à destination de freelance, employés en portage salarial, ou encore advisors externes. Tous jouent un rôle dans le succès de l’entreprise, et il est tout aussi important de pouvoir les garder dans la durée.
Les BSPCE sont par exemple mis en place par 65% des startups, et 100% des startups ayant levé 50m+ (source : Baromètre France Digitale 2024). Ici, nous parlerons de ce dispositif prédominant.
Ce sont les dirigeants qui décident de mettre en place ces BSPCE. Que ce soit à leur initiative, ou bien celle des investisseurs, le geste d’ouvrir le capital de l’entreprise pour en donner une partie aux employés est un geste fort.
C’est désormais devenu un avantage incontournable. Mais cela ouvre la question : comment différencier son actionnariat salarié de celui des autres entreprises ?
L’actionnariat salarié comme outil de recrutement : un avantage compétitif
A chaque cession d’entreprise annoncée dans la presse, ce sont probablement des dizaines de salariés qui font “fortune” en touchant une part du gâteau. Ils étaient là pour accompagner l’entreprise à sa réussite, et ils touchent alors le jackpot.
C’est l’idée de base de l’actionnariat salarié, qui a de quoi séduire de nombreux candidats avant de vous rejoindre. Et si c’était vous le prochain jackpot ?
Cependant, vous n’êtes pas les seuls à mettre en place de l’actionnariat salarié. Demandez-vous ce que cela change d’en avoir chez vous plutôt qu’ailleurs ? Votre aimant à talents est-il plus fort que celui des autres ?
Mettre en place de l’actionnariat salarié ne suffit plus. Vous devez vous le différencier sur ces points :
Prix d’exercice (strike price)
C’est le prix à payer par l’employé pour transformer ses BSPCE en actions de l’entreprise.
Si c’est trop cher, ça n’intéresse pas !
Il est courant de voir des offres d’emplois comme celle-ci : “35k€ fixe + 12k€ BSPCE”
Qu’est-ce que cela veut dire pour l’employé ?
On pourrait croire à un package de 47k€ ! En réalité les 12k€ de BSPCE seront à payer à l’entreprise pour obtenir des actions ! C’est donc plutôt un package à 23k€ (= 35k€ - 12k€).
La formulation correcte serait : “35k€ fixe + Droit d’acheter 12k€ d’actions de l’entreprise”
Le mécanisme des BSPCE est ainsi. L’employé doit payer (on appelle ça “exercer” ses BSPCE) pour obtenir ses actions.
Votre objectif est de diminuer ce prix d’exercice pour lui permettre de devenir actionnaire au meilleur prix, et donc d’augmenter les gains qu’il pourra faire. Pour cela :
Vérifiez que vos BSPCE utilisent une décote à la juste valeur (il existe de nombreuses décotes, celle-ci est la meilleure)
Ne distribuez plus d’un seul coup, mais optez pour des distributions ponctuelles (12k€ peuvent devenir 1200€ * 10 occasions). Cela donne l’impression que le prix d’exercice est plus petit, et que vous distribuez plus d’une fois.
Prix d'exercice :
Valorisation de l’entreprise
Une entreprise avec une valorisation plus faible peut avoir un potentiel de gain plus important, mais aussi un risque plus élevé. Le jackpot est d’autant plus important que l’employé est arrivé tôt dans l’entreprise et prenne le risque avec les fondateurs.
Ainsi, vous pouvez :
Expliquer les scénarios de croissance, et montrer que l’entreprise aujourd’hui n’est pas sur-valorisée
Donner des projections de gains potentiels à vos employés
Valorisation de l'entreprise :
Droits des BSPCE
Si les BSPCE sont mis en place pour attirer et fidéliser les talents, ils ne remplissent que rarement leur rôle : partager une part du gâteau avec les employés ayant contribué au succès de l’entreprise. En conséquence, ce sont les actionnaires de l’entreprise à qui profite la non-utilisation des BSPCE.
Pour mettre en avant l’assurance du partage de valeur vous pouvez :
Vérifier que la période d’exercice des BSPCE, même après départ de l’employé, peut aller jusqu’à plusieurs années
Vérifier qu’il existe des fenêtres régulières pour que les employés utilisent leur BSPCE
Vérifier que les employés peuvent proposer à certaines occasions, de vendre leur BSPCE aux investisseurs actuels / futurs ou à l’entreprise directement
Orientation des droits des BSPCE :
Distribution des BSPCE
La distribution d’un avantage est déterminante pour un employé. Il va simplement comparer combien il peut en avoir, et de quelle façon.
Pour cela, vous avez plusieurs façons de vous démarquer :
Créer une clef de répartition des BSPCE : en utilisant divers critères RH (ancienneté, séniorité, rareté du profil, performance, .. ) pour fixer une base commune égale pour tous.
Optez pour un plan sans vesting (= période d’obtention des BSPCE), et distribuer des BSPCE plus régulièrement. Vous pouvez ainsi présenter le plan comme “sans limites” d’obtention. Les employés voulant obtenir plus de BSPCE, pourrons le faire en démontrant qu’ils performent.
Distribution :
Intégrer l’equity à votre grille RH
Prise en compte de votre grille RH, présentation des gains par employés, intégration multi-plan… Vous pouvez utiliser cette grille de répartition de l’equity pour les équipes RH.
Une communication dans l’air du temps
Le temps passant, vos équipes rajeunissent ! Et avec cela, les aspirations des nouvelles générations concernant le travail évoluent. Ces talents aspirent à plus de sens dans leur travail, à l’opportunité de participer activement à la croissance de l’entreprise et à un juste partage de la réussite.
L’actionnariat salarié répond parfaitement à ces attentes. Affirmez-le clairement et rendez-leur le sujet visible.
Cela se joue tout au long de la vie du collaborateur :
Dès les phases de recrutement, présentez clairement le package BSPCE dans vos offres et dans vos échanges. Cette partie onboarding est essentielle pour fixer de bonnes bases, donc former les hiring managers
Préparez vos entretiens pour avoir toutes réponses aux questions des candidats / employés
Assurez une communication détaillée à chaque évènement important pour l’entreprise (ex. levée de fonds, acquisition d’une entreprise, fenêtre d’exercice des BSPCE, .. )
Présentez régulièrement, à chaque employé, une valeur actualisée du gain potentiel de ses BSPCE en cas de réussite de l’entreprise. Plus vous rendez tangible ces gains, plus cela influera sur la motivation de vos employés.
Communication :
L’actionnariat salarié : Est-ce que ça marche ?
Votre actionnariat salarié est en place, mais est-ce pour autant un véritable aimant à talents ?
Quand on prend un peu de hauteur, il est frappant de constater que l’actionnariat salarié peut représenter jusqu’à 20 % du capital dans certaines entreprises. Mis bout à bout, les différents plans d’actionnariat salarié occupent une place significative dans la structure du capital. Ouvrir son capital représente un acte fort de la part des actionnaires (et des dirigeants) envers les employés. C’est un investissement considérable sur le papier, mais est-ce que cela apporte les effets escomptés ?
Car pour attirer et retenir des talents, il faut se démarquer. Il existe évidemment pour cela déjà de nombreux moyens que vous déployez peut-être : un salaire au-dessus de la moyenne, des avantages en nature conséquents, des primes, une bonne mutuelle prise en charge à 100%, une semaine de travail de 4 jours... Tous ces avantages salariés contribuent déjà à séduire vos (futurs) talents.
L’actionnariat salarié est un autre avantage unique, avec ses propres qualités listées ci-dessous. Voyons ensemble comment vous pouvez mesurer l’impact direct de la mise en place des BSPCE vis-à-vis de ces objectifs.
Pour éviter des mesures approximatives, il faut suivre uniquement des critères propres aux BSPCE.
Suivre l’évolution du temps de rétention des employés suite à la mise en place de BSPCE n’a pas de sens. En effet, de nombreux autres critères influent sur le temps de rétention (management toxique, évolution de la taille de l’entreprise, dynamique de marché, .. ).
Il est impossible de valider formellement que les BSPCE ont un impact direct sur l’évolution de ce temps de rétention. Il en va de même avec d’autres critères.
Pourquoi mettre en place des BSPCE ?
Aligner les intérêts des employés et des actionnaires
Pour cela, vérifiez que les BSPCE motivent les employés à s’impliquer dans la croissance de l’entreprise.
Voici ce que vous pouvez mesurer :
Nombre de demandes d’exercice des BSPCE
Taux d’exercice des BSPCE distribué
Fidéliser sur le long terme les employés
Suivez la rétention des collaborateurs bénéficiaires de BSPCE pour déterminer leur impact sur l’engagement à long terme.
Notez d’abord qu’il est normal de voir de temps à autre des collaborateurs quitter votre entreprise.
Par ailleurs, l’intérêt des employés pour les BSPCE est uniquement financier. C’est donc un avantage qui est de plus en plus intéressant financièrement à mesure que l’employé reste et que l’entreprise se développe.
Voici donc ce que vous pouvez mesurer directement :
Nombre de demandes à avoir plus de BSPCE
Le nombre de choix à préférer des BSPCE plutôt qu’une prime de fin d’année
Guide pour les équipes RH : Les points à aborder et meilleures pratiques pour présenter cet avantage.
Offrir une alternative aux augmentations, sans impact sur la trésorerie
Évaluez les économies réalisées en utilisant les BSPCE en substitution partielle de primes ou d’augmentations immédiates.
Voici ce que vous pouvez mesurer :
Le montant des augmentations de salaires non proposées, et des primes non versées, remplacées par des BSPCE
Montant récupéré par l’entreprise via les exercices de BSPCE des employés (les employés payent à l’entreprise le prix d’exercice des BSPCE, parfois cela vaut des années de salaires)
Promouvoir la culture de l’actionnariat et de l’esprit entrepreneurial
Évaluez la perception de vos employés de devenir des co-actionnaire de l’entreprise. Vous pouvez par exemple mesurer un eNPS lié à la réception de BSPCE, via une enquête.
Conclusion
Vous remarquez donc que le succès de l’actionnariat salarié (ici illustré avec les BSPCE) se joue sur de nombreux facteurs à la main des équipes RH et du dirigeant. C’est cet avantage collaborateur qui aura le plus d’impact sur la vie de vos employés.
Seuls quelques entreprises y accordent le temps nécessaire, et mesure l’impact réel. Pourtant, c’est le secret bien gardé des entreprises qui ont du succès et des collaborateurs fidèles.
Bien utilisé, cet aimant à talents vous entourera des meilleurs.
Auteur
Xavier Roussillon
Co-founder
Futurz